Conférence de Presse – Tribunal d’ Ajaccio



« VENDETTA » ou MAFIA
FABLE et REALITE


Massimu Susini a été assassiné il y a maintenant 11 mois.
Dans le mois qui a suivi, le Collectif s’est crée et a désigné l’origine et les causes de son assassinat.
Elles sont claires pour tous ceux qui ont pris le temps de nous écouter et les quelques tentatives
pour nous contredire n’ont pas duré longtemps face à une réalité que beaucoup de gens subissent
partout en Corse .
Nous n’avons accusé nommément personne et personne, pendant ces onze mois, ne nous a accusé de
calomnier ou de diffamer.
La seule critique majeure à laquelle nous avons eu à faire face c’est que « la mafia n’existe pas ! ».
Cette critique fait aujourd’hui sourire tout le monde (et d’ailleurs plus personne ne l’utilise).
S’il y a un combat que le Collectif a gagné, c’est bien celui de l’idée que la mafia était désormais
une réalité en Corse et qu’elle était tentaculaire.
Si la région de Cargèse vit une situation d’imprégnation mafieuse particulière , c’est que ce
phénomène est récent et donc en retard sur d’autres régions de Corse.
C’est, en partie, ce qui explique la violence continue et ciblée qui s’y exerce.
L ‘assassinat de Massimu est l’abouttissement de cet enracinement et des collusions tissées entre la
bande de jeunes voyous de Cargèse et de bandes plus installées d’Ajaccio.
La surprise pour les mafieux, confirmés ou en devenir, c’est que la mort de Massimu Susini a
provoqué une onde de choc dans la société corse. Elle a ouvert les yeux de beaucoup et mis mal à
l’aise les autorités chargées de notre sécurité et les élus chargés de nous représenter.
On a pris l’habitude en Corse d’oublier les victimes d’assassinat. Il est vrai que ces assassinats
peuvent avoir plusieurs origines. Mais même pour les assassinats de « victimes innocentes » (et il y
en a eu de nombreuses) il y a comme des pudeurs honteuses qu’il faut oublier rapidement.
Massimu Susini n’est pas à ranger dans la catégorie des « victimes collatérales » (ignoble propos).
Non, Massimu Susini a été assassiné parce qu’il s’est opposé physiquement et en paroles à la bande
de crapules et à leur chef qui veulent mettre le village sous coupe réglé.
La nouveauté amère, pour les mafieux, c’est que Massimu Susini onze mois après, est toujours avec
nous.
-Sempre Quì ! – Sempre cù Noi ! – Sempre Vivu ! –
Son nom, son visage sont partout. C’est intolérable pour les petits mafieux.
Alors ils profanent, ils tirent sur son visage et ils mettent le feu à ce qui était son gagne-pain.
Son visage, son image, son nom et sa mémoire doivent être effacés pour que disparaissent toutes les
traces de leur crime. Mais ce n’est pas tout. Il est envisagé de faire disparaître physiquement tous
ceux qui lèvent la tête, tous ceux qui portent la voix et la mémoire de Massimu Susini. Cela nous le
savons, et nous l’avons dit après que Massimu ait été assassiné.
Pour la mafia c’est une nécessité impérative. Afin de s’emparer de Cargèse comme butin de guerre,
elle doit éliminer les résistants et elle doit le faire dans la terreur. Cela servira de leçon à tous les
autres.
Aujourd’hui une fable nouvelle essaye de voir le jour :
Ce serait une « Vendetta entre deux familles ».
Cette inteprétation, bien commode pour les mafieux, ne résiste pas à l’analyse.

  1. Le Collectif Massimu Susini
    Crée le 5 octobre 2019, après l’assassinat de Massimu, très vite il a élargi ses prérogatives en
    inscrivant dans ses statuts qu’il se constituera partie civile dans les procédures mettant en
    cause, notamment, des pratiques criminelles ayant pour but le contrôle d’activités
    économiques et financières, les détournements d’argent public, les assassinats ou tentatives
    d’assassinats liées à ces pratiques du crime organisé. Pour la première fois une association a
    inscrit dans son objet social sa volonté de faire reconnaître « le délit d’association de
    malfaiteurs en vue de constituer une entreprise mafieuse ».
    Depuis janvier dernier, toutes nos interventions ont consisté à interpeller les élus et les
    autorités de l’Etat sur le danger mortel, qu’est pour la Corse et ses habitants, l’infiltration
    mafieuse dans tous les rouages de la société.
    Nous n’avons plus parlé de Massimu et nous avons laissé les enquêteurs faire leur travail.
    Mais force est de constater qu’à ce jour l’enquête n’a débouché sur aucune interpellation.
    Malgré le fait que les services de gendarmerie aient été alertés par un témoin oculaire qui
    était sur place au moment des tirs meurtriers, aucun barrage n’a été mis en place, laissant
    ainsi les assassins partir sans être inquiétés.
    Notre Collectif, tout le monde a pu le constater, est resté, malgré tout, sur sa ligne de
    conduite adoptée dès sa création : attendre que la justice fasse son travail, malgré les
    étranges et incompréhensibles « loupés » qui ont marqué le début de l’enquête.
    Il est hors de question de dévier de la voie que nous avons définie et inscrite dans nos
    statuts : lutter contre la mafia en Corse en continuant de proposer, comme nous l’avons déjà
    fait, aux élus et à l’Etat des moyens nouveaux et adaptés pour se débarrasser d’un péril à
    l’ampleur tentaculaire.
    Nous continuerons à dénoncer les violations de la loi et de l’intérêt commun qui favorisent la
    spéculation immobilières et les détournements d’argent public. L’intérêt commun est notre fil
    conducteur et l’expression publique notre manière d’agir.
  2. La fable de « la Vendetta » et de la guerre entre familles.
    Les menaces de mort que nous avons reçu via un communiqué, nous ont contraint à une
    réponse rapide. On tente de la détourner de son objet. On aurait affaire à une « vendetta
    entre deux familles »… Or nous rappelions notre droit, comme pour chaque citoyen, à la
    légitime défense. Ce n’est en rien une menace, mais la simple affirmation du droit à
    préserver sa vie. Le Code pénal donne ce droit : article 122-5.
    Le Collectif n’a jamais mis nommément en cause une personne ou une famille. Les familles
    sont des entitées sociales complexes et elles ne jouent plus totalement le rôle qui était le leur
    dans le passé. Réduire cette bande de crapules à une famille est ridicule et inopérant pour
    comprendre la réalité du danger. Les crapules en question sont issues de familles différentes
    et, pour l’écrasante majorité, honnêtes et travailleuses. Dans toutes ces familles vous avez
    des gens profondément honnêtes et puis il y a certains de ses membres qu choisissent la voie
    du crime. C’est qu’il y a, dans ce pays, quelque chose de pourri qui diffuse son venin et qui
    produit ces crapules.
    Pourquoi ont-ils assassiné Massimu ? Une « Vendetta » ?À propos de quoi ou de qui ?
    Pourquoi ont-ils criblé de balles son image, tagué « mortu » à la suite de « sempre vivu » ?
    Une « Vendetta » ?
    Pourquoi ont-ils essayé de brûler son établissement alors qu’il n’est plus là ? Une
    « Vendetta » ?
    Après la fable de « la mafia n’existe pas ! », nous avons la fable de « la Vendetta ». Paresse
    intellectuelle ? Commodité pour ne pas regarder la réalité en face ? Il faut dire que cela
    n’aide ni à comprendre le phénomène mafieux ni à le combattre.
    Le but du Collectif n’est pas de « venger » Massimu mais de lui rendre hommage en
    continuant son combat pour lui donner une dimension à la hauteur de son sacrifice. Onze
    mois après, nous sommes encore là. Onze mois après, Massimu est encore là.
  3. Les solutions pour éviter d’autres assassinats et mettre fin au developpement
    mafieux
    Bien entendu, chacun a compris le message de mort délivré par le communiqué signé
    « famille Carboni (et) les amis ». Communiqué en grande partie anonyme. Aucun des mots
    n’a été retiré par la personne qui a écrit le communiqué. Donc la menace est toujours là.
    Nous avons déclaré que nous nous défendrions en cas de volonté d’atteinte à notre vie. Ce
    n’est là que l’application d’un droit que donne le code pénal et s’appelle « légitime défense ».
    Cependant nous ne nous faisons pas d’illusion. Nous avons des vies régulières comme tout
    un chacun, les mafieux ont tout loisir de préparer les assassinats. Nous n’avons pas de
    voitures blindées ni des moyens d’agression ou de protection dont bénéficient les mafieux.
    Nous n’avons pas non plus, leurs capacités financières. Nous n’avons pas, au final, leur
    impunité. Le combat est inégal.
    Nous voulons vivre dans une société civilisée. Pour nous et pour nos enfants. Nous voulons
    que tous ces criminels soient jugés de manière civilisée. Aujourd’hui nous sommes
    assassinés, rackettés, intimidés, la drogue se diffuse partout et empoisonne notre société.
    Notre société, c’est à dire nous tous, doit se défendre. D’autres pays ont affaire avec ce type
    de criminalité organisée qui est à la fois très violent et de plus en plus sophistiqué. Ils ont
    adapté leurs outils juridiques pour faire face à la menace. La loi RICO (1970) aux EtatsUnis, la loi DELLA TORRE/ROGNONI (1982) en Italie ont porté des coups terribles aux
    organisations mafieuses. Nous devons nous en inspirer si nous voulons avoir une chance de
    renvoyer à la marginalité les activités criminelles.
    a) Introduire dans la loi le crime « d’association mafieuse
    b) Saisie et confiscation des biens de toute personne soupçonnée d’association
    mafieuse.
    c) Elargir et consolider le statut de coopérateur de justice afin de fragiliser le
    crime organisé et donner aux criminels la possibilité de s’amender.
    Voilà la seule « vendetta » que nous voulons. Et c’est la « vendetta » qui fait le plus peur aux
    criminels mafieux.

Pour cela nous avons besoin les uns des autres. Nous avons besoin des autorités chargées de
notre protection. Nous avons besoin des élus chargés de nous représenter.
À ce titre, nous allons demander à rencontrer les quatre parlementaires représentant la
population corse afin de leur proposer de présenter un projet de loi antimafia. Ils auront ainsi
la possibilité, en protégeant le bien commun et la vie de leurs compatriotes, de rentrer dans
l’Histoire.
Nous avons besoin de vous tous, citoyens et médias, pour nous opposer à une barbarie qui se
présente comme modèle futur pour notre jeunesse. Nous avons besoin de vous pour sauver
la Corse et les corses.