Corse Matin – Carghjese, d’une tragédie à l’autre

Carghjese – Corse Matin

Sur la route qui mène à Carghjese, peu avant le col San Bastianu, l’hommage s’étale sur un mur fraîchement monté, sur le bas-côté de la route : « À Massimu », accompagné d’une Corse stylisée. Une dédicace simple, sans emphase, sans menace, une manière d’assurer à l’esprit du défunt et à tous les vivants que ce nom ne sera pas oublié.

Sur les murs des rues de l’ancienne colonie grecque, le visage hirsute et le torse athlétique du militant indépendantiste, poing levé, ont été reproduits de nombreuses fois au pochoir. À tous les carrefours, sur tous les points stratégiques du village, Massimu veille.

Jusqu’à l’assassinat, le matin du 12 septembre dernier, plage du Peru, par un tueur aguerri, tapi en embuscade, de ce militant indépendantiste de 36 ans, éleveur bovin et patron de la paillote 1768, globalement très apprécié au village, particulièrement des enfants qu’il entraînait au foot, le nom de Carghjese était, dans les médias, associé à celui d’Yvan Colonna.

Âgé de 38 ans en 1998, l’assassin du préfet Claude Erignac, berger et militant nationaliste, avait, le temps de sa cavale de quatre ans, incarné pour certains indépendantistes la  légitime résistance à l’oppresseur français.

Les murs et parois granitiques de l’île s’étaient, par endroits, couverts des inscriptions « Gloria à tè Yvan ». La peinture s’est depuis effacée, tout comme la légende guerrière d’un homme qui n’aura finalement eu de cesse de clamer son innocence. L’affaire Colonna et ses déchirements ont profondément marqué le village.

U Spaziu culturale de Carghjese. C'est ici qu'aujourd'hui est lancé le collectif anti-mafia Massimu Susini.

U Spaziu culturale de Carghjese. C’est ici qu’aujourd’hui est lancé le collectif anti-mafia Massimu Susini.Photo Florent Selvini

Quelque 20 ans plus tard, Carghjese est de nouveau frappé par une tragédie et voit l’émergence d’une nouvelle figure dramatique. Car bien malgré lui, Maxime Susini a réveillé les consciences sur la  « mafiaoïsation de la société  insulaire » pour certains, de l’emprise de la « mafia » tout court pour d’autres et, quels que soient les termes employés,  sur la nécessité vitale de s’y opposer.

À Carghjese, deux semaines après l’assassinat,  la vie semble avoir repris son cours. Les boutiques de la petite station balnéaire ne ferment pas entre midi et deux. L’arrière-saison est plutôt bonne. Les clients du Club Med sont encore là, peut-être pour la dernière année.  

L’histoire grecque de Carghjese, ses deux églises qui se font face, l’une catholique, l’autre orthodoxe, la beauté des lieux ainsi que la proximité des calanche de Piana et de la réserve de Scandola, assurent une manne touristique non négligeable à ce village de 1 300 habitants.  

La vie continue à Carghjese mais la tristesse se lit sur tous les visages à l’évocation du nom de Maxime Susini.  « On donne le change, on sourit aux touristes qui passent, on discute de l’été qui dure. Mais la vérité, c’est que nous sommes profondément tristes », explique une commerçante les yeux plein de larmes. « Nous avons tous fermé nos boutiques le jour de l’enterrement. C’était la moindre des choses pour un enfant du village, parti de cette façon-là », souligne une autre.

Partout, la tristesse mais aussi l’incompréhension. Car pour les personnes qui ont accepté de nous parler à Carghjese, la réalité de l’emprise d’une « mafia à proprement parler » au village ne s’est  jusqu’ici, à leurs sens, pas vraiment fait ressentir.

« Une bande oui, on sait qui c’est, toujours les mêmes… », tempère toutefois avec hésitation un habitant. « Il faut dire que nous ne sommes pas au courant de tout. Et puis les vieux comme moi, nous sommes complètement dépassés par tout ça, lance un retraité. On a entendu parler de drogue et maintenant on parle de mafia. Je ne sais pas. Mais une chose est certaine, c’est qu’il y a surtout une perte des valeurs chez certains jeunes qui sont capables de faire n’importe quoi pour se payer ce qu’ils veulent. Ce genre de choses, avant ici au village, ça n’existait pas. »

L’assassinat, chez lui à Carghjese,le 7 juin 2017, de Karim Absi, un jeune homme de 27 ans, condamné en 2013 à 7 années de réclusion pour un vol à main armée dans une maison de Bastelicaccia, ne resurgit pas dans les conversations. L’affaire semble avoir été cantonnée par certains aux histoires entre bandes dont ne se mêle pas la population insulaire.  

Le cas de Maxime Susini en revanche inquiète franchement. « On se dit que finalement, n’importe qui peut se faire tuer, un matin, en allant travailler. Ça fait peur », enchaîne une habitante. Et d’ajouter : « En tout cas, j’espère bien que la justice ne laissera pas ce crime impuni. »

« Ce qui est le plus choquant, c’est ce doute, ces questions : pourquoi a-t-il été tué ? », estime le maire, François Garidacci. Plein de retenue et de prudence, le premier édile évoque le drame ancien de Carghjese, celui de l’affaire Colonna : « Nous avons déjà vécu un traumatisme très fort. Mais jamais comme celui-ci. C’est la première fois que nous entendons parler d’une chose pareille ici. Est-ce que nous entrons dans un cycle infernal en Corse ? Je n’ose pas y croire. Nous ne sommes quand même pas des Siciliens… »

Un avis que ne partage pas Jean-Toussaint Plasenzotti, l’oncle maternel de Maxime Susini. Samedi dernier, à l’occasion du rassemblement organisé en mémoire de Maxime Susini à Corte par ses anciens compagnons de Core in Fronte, il a, devant les 800 personnes venues participer au débat, posé clairement son point de vue : son neveu a été assassiné par « une bande  de Carghjese infiltrée par une puissante bande d’Ajaccio ».

Aujourd’hui, à 15 heures, Jean-Toussaint Plasenzotti et d’autres du village lancent un collectif anti-mafia Massimu Susini à Carghjese. « Puisque le mal est parti d’ici, c’est avant tout d’ici que nous allons lutter contre », explique-t-il.

Au village, certains nous disent redouter les conséquences que pourrait entraîner la création du collectif : « Je ne sais pas s’ils réalisent dans quoi ils mettent les pieds », souffle ainsi un habitant.

Plusieurs, toutefois, nous déclarent leur intention de répondre présents au rendez-vous. « Pour entendre ce qu’ils ont à proposer. » Et surtout, souligne une commerçante : « Essayer de comprendre ce qui s’est passé, pourquoi Massimu a-t-il été abattu, comme ça, un beau matin en ouvrant son commerce. »

« Nous lançons un message aux assassins : À Carghjese, vous serez en insécurité »

Si quelques heures après l’assassinat de Maxime Susini, plage du Peru, le procureur de la République expliquait la difficulté des enquêteurs confrontés à une multitude de pistes,  pour les anciens compagnons de Core in Fronte et pour certains de ses proches, Maxime Susini n’a pas été tué pour ses convictions politiques ni pour son engagement associatif. Encore moins pour une histoire de coeur. Pour eux, Maxime Susini a été tué parce qu’il s’est insurgé contre la violence faite par certains, au village.

 Aujourd’hui, à 15 h, Jean-Toussaint Plasenzotti, l’oncle maternel de Maxime Susini, accompagné de plusieurs habitants de Cargèse, lance le collectif anti-mafia Massimu Susini.

Le visage et le poing levé de Maxime Susini ont été reproduits au pochoir dans de nombreuses rues du village.

Le visage et le poing levé de Maxime Susini ont été reproduits au pochoir dans de nombreuses rues du village.Photo Florent Selvini

C’est le second collectif après la création de Maffia nò, le 24 septembre dernier par Léo Battesti et plusieurs personnalités de la société civile. Mardi dernier, devant l’espace culturel de Carghjese, peu avant la projection du film I cento Passi (l’histoire de Peperini Impastato, un jeune communiste sicilien tué en 1978 pour avoir dénoncé la mafia) à l’espace culturel, Jean-Toussaint Plasenzotti nous expliquait ses motivations :

« Nous souhaitons créer un collectif pour lutter contre le mal à Carghjese puisque Massimu a été tué ici. Mon neveu a mis sa peau sur la table en voulant protéger quelqu’un du racket, il s’est levé contre une bande.  Ils ont franchi un pas supplémentaire. Ce n’est pas un nouveau règlement de comptes entre voyous. Ici, la personne qui a été tuée, c’est quelqu’un d’engagé, qui arrivait à l’heure comme tout le monde pour travailler.

« Massimu n’est pas mort pour ses idées mais plutôt parce qu’il les vivait pleinement. C’était un homme libre. Et c’est justement ça qu’ils essayent de tuer. Ils veulent tuer les Corses qui représentent la Corse de toujours. (…)

« Ces gens, ces bandes qui s’allient entre elles, qui prennent des villes, des chambres de commerce, ils sont aussi maintenant dans les villages, ils prennent un pays parce qu’il n’y a rien devant eux. C’est ça la mafia. Avant, les voyous n’avaient pas leur activité au village. Maintenant, ils viennent ici. À Carghjese, nous n’avons pas de tradition de voyoucratie, pas même de bandit d’honneur ».

« Mais ils veulent que les gens gardent la tête baissée. Eux, ce seraient la race des seigneurs et ils pourraient prendre une partie du fruit du travail des autres, la taille, en quelque sorte. Mais ça ne va pas se passer comme ça. Nous allons suivre l’enquête. (…) Les autorités publiques ont des moyens d’investigations plus puissants que les nôtres. Sur Erignac, ils ont mis les moyens et ils ont obtenu des résultats...(…)

« Nous montons ce collectif pour dire à ceux qui se verront peut-être demander 10% de leurs affaires, que nous sommes là, vous n’êtes pas seuls. Ce collectif Massimu Susini, c’est aussi un message aux assassins. C’est une façon de leur dire : « A Carghjese, vous êtes en insécurité. » Nous allons tout faire pour les mettre hors d’état de nuire.« 

« Aucune piste privilégiée »

Le 12 septembre, peu avant 8 h du matin, Maxime Susini est tué au moment où il ouvre, seul, sa paillote le 1768, plage du Peru. Un tireur, dont la justice ignore encore s’il était accompagné, l’attendait, caché dans la végétation attenante au parking.

Deux balles d’une arme de chasse pour gros gibier, de calibre 30, atteignent Maxime Susini alors qu’il tente désespérément de s’enfuir par la plage. Un utilitaire de type Berlingo calciné est ensuite rapidement découvert sur le bas-côté de la route, peu avant Sagone.

Eric Bouillard, le procureur de la République d’Ajaccio, souligne alors la multitude des pistes que devra démêler la gendarmerie en charge de l’enquête, au vu des nombreux engagements de la victime : motif personnel, politique, différend commercial, racket… tout en précisant : « Aucun fait ne lie Maxime Susini à de la délinquance organisée, à du trafic de stups, rien de tout cela.« 

C'est en ouvrant sa paillote

C’est en ouvrant sa paillote « 1768 », plage du Peru, que le militant indépendantiste, proche de Core in Fronte, Maxime Susini, a été tué.

Fougueux supporter du Sporting Club de Bastia dans sa jeunesse, militant indépendantiste très engagé, colistier de Paul-Félix Benedetti sur la première liste présentée par le Rinnovu, proche de Core in Fronte mais également, un temps, de l’association de défense de l’environnement U Levante, c’est notamment lui qui prend la parole en août 2017 pour dénoncer la construction illégale des maisons Ferraci à Bonifacio.

Amateur de foot et de boxe, patron de la paillote 1768 où les jeunes du village ainsi que les touristes sont bien reçus, la justice décortique devant la presse toute la vie de Maxime Susini. On rappelle ses condamnations, toutes de droit commun, son refus systématique de se soumettre aux prélèvements obligatoires d’ADN et ses relaxes. « Il a passé le plus clair de sa vie en garde à vue« , soulignait un proche.

Deux semaines après les faits, le procureur de la République déclare que pour l’heure, « aucune piste n’est privilégiée » : « Une information judiciaire est ouverte, des investigations techniques sont toujours en cours et nous attendons des résultats. Nous avons auditionné une bonne partie des témoins. Nous avons relevé les déclarations faites dans la presse, et nous les comprenons, mais pour l’instant nous n’avons pas de piste qui se dégage. Nous n’en sommes qu’au début de cette enquête. »

Source : https://www.corsematin.com/article/derniere-minute/dossier-carghjese-dune-tragedie-a-lautre

Marianne – En Corse, les habitants refusent enfin de se taire face à la mafia

Point d’orgue d’un été de violences, l’assassinat d’un jeune nationaliste corse a entraîné un mouvement d’indignation d’une ampleur inattendue. Longtemps tue, l’emprise du crime organisé sur la société insulaire est maintenant au centre du débat public.

AFP

Certains disent « mafioïsation », d’autres « mafiosisation ». Tout le monde ne s’est pas encore accordé sur le terme à employer. Mais qu’importe la version retenue : en Corse, il est sur toutes les lèvres. Il y a une semaine, un collectif s’est constitué sous l’impulsion de Léo Battesti, ex-chef du FLNC des années 80. Porté par une trentaine de personnalités de la société civile, il s’est choisi une appellation explicite à son collectif : Non à la mafia, oui à la vie. Le lendemain, devant l’assemblée de Corse, le leader nationaliste Gilles Simeoni, chef de l’exécutif régional, a admis à son tour « une dérive mafieuse ou prémafieuse en Corse ». Trois jours plus tard, à l’appel du parti nationaliste Core in Fronte, 700 personnes – dont plusieurs élus – se sont rassemblées à Corte, dans le centre de l’île, et ont débattu publiquement du problème. Longtemps tue, niée ou minimisée, l’emprise du crime organisé sur la société insulaire, en ce début d’automne, est désormais discutée au grand jour. « Quand on est citoyen, le seul pouvoir que l’on ait, c’est celui de la parole, explique l’écrivain Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012 et membre du collectif nouvellement créé. On ne sait pas encore sur quoi notre démarche va déboucher. On est conscients qu’on s’attaque là à un problème profond. »

Source : https://www.marianne.net/societe/en-corse-les-habitants-refusent-enfin-de-se-taire-face-la-mafia

Corse Matin – Contre « la mafia », des voix s’élèvent pour Maxime Susini

Sous l’impulsion de Core in Fronte, hier à l’université, plus de 800 personnes, de toutes mouvances nationalistes, de collectifs et syndicats, se sont rassemblées en hommage à Massimu. Avec la volonté de s’opposer à « la mafia ».

Corse Matin

Sous l’impulsion de Core in Fronte, hier à l’université, plus de 800 personnes, de toutes mouvances nationalistes, de collectifs et syndicats, se sont rassemblées en hommage à Massimu. Avec la volonté de s’opposer à « la mafia ».

L’injustice, la colère, le chagrin, la douleur. Et ce sentiment de vide, de vide immense, que rien ne pourra jamais combler. Nul, hormis ses proches et ceux qui ont perdu l’un des leurs de manière aussi injuste et brutale, ne peut imaginer ce que traversent la famille et les amis de Maxime Susini, assassiné le 12 septembre dernier à Cargese. Car derrière sa mort se profile l’ombre de ce que nombre de personnes n’ont pas hésité à nommer : « la mafia ».

Hier après-midi, sous l’impulsion de Core in Fronte, plus de 800 personnes de toutes les mouvances nationalistes et même au-delà, mais aussi de différents collectifs et syndicats insulaires, se sont rassemblées dans l’amphi Landry de l’université de Corse. Sur les murs du bâtiment, des graffitis pour Massimu. Avant d’entrer, des amis chantent en sa mémoire. Puis, une minute de silence sera respectée par la salle, avant de lancer les échanges.

« Ce n’est qu’ensemble qu’on la fera reculer »

Nombre de proches, de personnes qui l’ont connu, ont rappelé l’engagement, le militantisme et la droiture de Maxime Susini. « Massimu a été assassiné par la mafia, c’est la réalité, appuie Jean-Toussaint Plasenzotti, l’oncle de Maxime. Par une bande de Cargese, qui a été infiltrée par une bande puissante d’Aiacciu. Le 5 octobre, nous créons un collectif anti-mafia à Cargese. Si on peut faire quelque chose, c’est aujourd’hui, la mafia n’est pas si forte ! La réponse nous l’aurons tous ensemble et c’est tous ensemble que nous la ferons reculer. »

La « mafia » (ou « comportements mafieux », « bandes mafieuses », « petits groupes de la mafia » selon les intervenants pas toujours d’accord sur la sémantique) a été pointée du doigt comme agissant dans différents domaines : « Trafic de drogue, spéculation immobilière, transports, grande distribution… », énumérait Paul-Félix Benedetti.

Et les échanges ont eu des airs de catharsis de la société corse. Léo Battesti et Jean-Félix Acquaviva, entre autres, ont admis « la porosité avec la mafia qui touche tous les mouvements politiques ». Même si les leaders nationalistes comme Michel Castellani et Jean-Christophe Angelini attribuent « la plus grande responsabilité » à l’État, « qui poursuit ceux du mouvement national mais laisse filer le grand banditisme ». Pour Gilles Simeoni aussi – en déplacement au Pays Basque – l’État « porte une lourde part de responsabilité », décrivait-il dans un communiqué lu à la foule. « Parce que la Corse est à un point de bascule, entre la liberté et la terreur », le président de l’Exécutif préconise de suivre « la voie démocratique ». Tout comme François Sargentini.

Certaines voix s’élèvent pour dénoncer (sans les nommer) ces « maires qui prennent des valises et l’État qui ferme les yeux », les menaces qu’ils reçoivent ou encore « les amitiés » entre certains nationalistes et des personnes suspectées d’appartenir à des « bandes mafieuses ».

Les voix d’U Levante se sont élevées pour demander : « Pourquoi la Collectivité unique n’est pas aux côtés des associations de défense de l’environnement qui luttent contre la spéculation immobilière ? La CdC peut se porter partie civile, cela aurait plus de poids. »

« Nous avons toujours voté contre la spéculation, défend Hyacinthe Vanni. Nous n’avons jamais dérogé au Padduc. Mais qui dépose les dossiers ? Les maires et l’État », rétorque-t-il.

Dans la foule, des propositions commencent même à émerger : appel au boycott des commerces et entreprises suspectés d’être liés à ce « système mafieux« , l’engagement des élus dans les tribunaux administratifs, ou encore « enlever aux maires le pouvoir d’attribuer des permis de construire » et même « demander dans le Code pénal l’introduction du délit d’association mafieuse ».

« Il ne faut pas opposer société et politique, c’est dangereux », ajoute Paul-André Fluixa. « Je salue les élus qui ont eu le courage de parler de porosité, remarque Christophe Amadei. Si vous connaissez des brebis galeuses, réglez les comptes entre vous. »

À la fin des échanges, Paul-Félix Benedetti a salué « la présence durant tout le débat de Francescu Susini, père de Massimu ». Toute la salle s’est alors levée pour un témoignage de soutien.

Si les échanges ont été constructifs, chacun a conscience que, pour réussir, le combat qui se profile implique endurance, courage, solidarité. Et unité.

Source : https://www.corsematin.com/article/article/contre-la-mafia-des-voix-selevent-pour-maxime-susini

Le Parisien – «On ne se taira plus» : en Corse, ils se lèvent contre la mafia

Après un nouvel assassinat sur l’île, plusieurs initiatives ont été lancées pour sensibiliser la société civile face à l’emprise de la mafia. Et à ne plus garder le silence.

 Corte, le 29 septembre. Jean-Toussaint Plasenzotti, l’oncle de Massimu Susini assassiné à Cargèse le 12 septembre.
Corte, le 29 septembre. Jean-Toussaint Plasenzotti, l’oncle de Massimu Susini assassiné à Cargèse le 12 septembre. LP/Pierre Murati

Il fut un temps lointain où Corte était le nombril du monde. Au XVIIIe siècle, capitale d’une Corse indépendante, la ville était admirée par les Lumières. Aujourd’hui, elle n’est plus qu’un joli bourg de montagne, à mi-distance de Bastia, la septentrionale, et Ajaccio, la méridionale. Mais elle reste un symbole pour la famille nationaliste. Ce dimanche après-midi, dans un amphi bondé de l’université Pasquale-Paoli, le mouvement indépendantiste Core in Fronte invitait à un débat pour « faire échec à la mafia ». Comme souvent sur l’île, un assassinat a servi d’électrochoc.

Le 12 septembre dernier, vers 7h50, un des compagnons de route de Core in Fronte, Maxime, dit « Massimu » Susini, 36 ans, ouvre son restaurant de plage à Cargèse (Corse-du-Sud) lorsqu’il est touché de deux balles tirées depuis les buissons. Le tireur avait coupé des branchages pour s’étendre sur le sol, plus à son aise… S’il n’entretenait aucun lien avec le Milieu, cet agriculteur et paillotier avait été plusieurs fois condamné pour port d’arme prohibé, refus de prélèvement ADN ou encore jet de projectile sur les forces de l’ordre dans le cadre de ses activités de militant et son passe-temps de supporteur de foot.

Pour la justice, il est encore trop tôt pour privilégier une hypothèse sur une autre. Piste privée, différend commercial, tentative de racket… Pour ses amis, qui ont tagué les murs de l’université – « On ne se taira plus, aujourd’hui on parle pour toi ! » – il ne faut pas chercher très loin les assassins. « Ils ont tiré comme à la fête foraine, enrage, les larmes aux yeux, l’oncle du défunt, Jean-Toussaint Plasenzotti, professeur de corse. Nous savions qu’il était menacé de mort. Et lui aussi en était conscient. »

Sur l’île, 100 propriétaires de voitures blindées

« Ils » ? « Une petite bande locale impliquée dans le trafic de drogue et le racket, adossée à un groupe d’Ajaccio, poursuit l’oncle. Massimu s’était opposé physiquement à eux. Il a fait savoir son désaccord. Mais il n’a pas voulu s’armer, refusant de vivre lui-même comme un voyou. Nous ne sommes pas face à une mafia constituée mais face à une mafia en voie de constitution. Elle avance. Si on ne l’arrête pas, elle fera encore un pas de plus… » Plus d’un millier de personnes étaient présentes aux obsèques, signe que le deuil cette fois était partagé au-delà du cercle nationaliste.

En rendant hommage au militant depuis la tribune de Corte, Jean-Félix Benedetti, chef de file de Core in Fronte, a rappelé ces « 375 homicides en vingt ans » dont « 4 maires en exercice, un avocat, un haut fonctionnaire, deux enseignants, un restaurateur, un paisible retraité et bien d’autres… » Depuis la mort de Susini, trente personnalités corses ont lancé un collectif anti-mafia. Parmi eux, un prix Goncourt, Jérôme Ferrari ou encore un ancien chef du FLNC reconverti dans les échecs, Léo Battesti. « Oui, la société corse a peur, tout le monde a peur. Moi aussi j’ai peur, admettait récemment ce dernier dans un entretien à Corse-Matin. Il faut que la société civile, trop silencieuse, se réveille. » Il y a du travail : selon un décompte effectué par le quotidien Le Monde, on estime à près de 100 le nombre de propriétaires de voitures blindées sur l’île, une « pour 3 000 habitants ».

L’assassinat de Massimu marquera-t-il un tournant ? On aimerait le croire. Mais de débats sur la violence à l’assemblée de Corse au récent collectif anti-mafia, les nombreuses initiatives passées n’ont jamais réussi à enrayer l’emprise du crime organisé. En 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault déclarait : « La violence et l’affairisme ont atteint dans l’île un niveau sans commune mesure avec les autres régions françaises. Et cette situation menace les fondements mêmes de la société en Corse ». Qui s’en souvient ?

Source : http://www.leparisien.fr/faits-divers/on-ne-se-taira-plus-en-corse-ils-se-levent-contre-la-mafia-29-09-2019-8162697.php