Courrier International – Les Corses lassés du crime organisé

Le meurtre de Maxime Susini, jeune militant nationaliste et écologiste, au mois de septembre, a soulevé une vague de protestation exceptionnelle en Corse, relève The New York Times. Sur l’île de Beauté, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer le crime organisé qui y règne. Nos services

Calmement, le père du défunt raconte l’assassinat de son fils : le meurtrier, équipé d’un fusil à lunette de visée, était caché dans les broussailles, là-bas. Son fils a ouvert les portes de la cuisine de sa paillote, ici, et c’est là que la balle l’a touché ; Maxime Susini, dit “Massimu”, s’est effondré dix mètres plus loin, sur la plage [de Cargèse, en Corse], après une ultime tentative de fuite.

Un meurtre parmi tant d’autres sur les rivages scintillants de l’île de Beauté, qui en France bat tous les records d’homicides : dans les villages coupés du monde par les hautes montagnes, on règle depuis longtemps ses comptes à coups d’armes à feu, mais ces affaires sont rarement élucidées.

François Susini, le père du jeune homme, savait que cela finirait comme ça. Ce matin-là, il a même entendu les coups de feu. Comme si souvent par le passé, la voiture des meurtriers présumés a ensuite été retrouvée calcinée à quelques kilomètres, sur une route côtière.

La conspiration du silence

Le meurtre de Maxime Susini ne ressemblait pourtant pas tout à fait aux nombreux assassinats qui l’ont précédé. La mort de ce militant nationaliste et écologiste de 36 ans, champion de foot, de boxe, et restaurateur très apprécié, a soulevé une vague de protestation exceptionnelle en Corse. Deux collectifs citoyens ont vu le jour pour dénoncer les forces du crime organisé soupçonnées d’en être les commanditaires – une entité nébuleuse tenue pour responsable de pratiquement tout, du trafic de drogue jusqu’à la spéculation immobilière et le racket des restaurateurs.

Dans une région dont l’économie dépend en grande partie des touristes séduits par l’âpre beauté des côtes, tous ceux qui, à l’instar de Massimu Susini, osent s’élever publiquement contre le bétonnage des côtes, les constructions sauvages ou le trafic de drogue local s’exposent aux représailles de forces apparemment omniprésentes mais obscures qui terrorisent les Corses au point de les contraindre à une conspiration du silence.

“Il y a des gens qui savent mais qui ne veulent rien dire”, confie François Susini, s’arrêtant sur la plage où des sympathisants ont planté un drapeau à la tête de Maure à l’endroit où son fils est tombé.

Je n’ai pas la réponse. Et peut-être que je ne vous dis pas tout.”

Source : https://www.courrierinternational.com/article/reportage-les-corses-lasses-du-crime-organise