Le Monde – Naissance d’une parole antimafia en Corse

La création de deux collectifs et l’annonce, par le président du Conseil exécutif de l’île, Gilles Simeoni, de l’ouverture d’une session extraordinaire de l’Assemblée territoriale sur la violence marquent un tournant.

Analyse. Comment débarrasser la Corse de la mafia ? Longtemps apparue sans fondement aux yeux des principales figures de l’île ou de l’Etat qui niaient l’existence d’un tel système, cette question a fini par émerger dans le débat public insulaire. Deux événements ont fait surgir cette parole. Au cours de l’été, un candidat sérieux à la prochaine élection municipale d’Ajaccio a vu ses entreprises ciblées par des incendies criminels. Puis le 12 septembre, Maxime Susini, un militant nationaliste, a été assassiné, à Cargèse. L’émotion suscitée par ces actes a entraîné la création de deux collectifs antimafia et l’annonce, par le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, de l’ouverture, fin octobre, d’une session extraordinaire de l’Assemblée territoriale sur la violence.

Pour défaire la Corse de l’emprise mafieuse, il faut, en effet, d’abord la nommer. Fin septembre, à Ajaccio, une vingtaine de personnalités de la société civile ont baptisé leur rassemblement « A maffia no, A vita iè » (non à la mafia, oui à la vie) et revendiquent 2 500 membres. Le second, appelé « Massimu Susini », a vu le jour, début octobre, à Cargèse, où vivait la victime. Ces deux collectifs entendent fédérer tous ceux qui veulent « résister à la mafia ». Une démarche relayée par un débat sur l’emprise criminelle sur la société, organisé dans les locaux de l’université de Corte, fin septembre, ayant connu un certain succès d’affluence.

Ces paroles dispersées ont eu un écho auprès du pouvoir politique de l’île qui a eu le mérite de le fédérer et de confirmer que le mal concernait l’ensemble du territoire. Gilles Simeoni, président (autonomiste) du Conseil exécutif, interrogé le 25 septembre par France 3 ViaStella, s’est exprimé clairement : « Il y a une situation de dérive mafieuse en Corse et ce phénomène est ancien. » Fort de ce constat, a-t-il dit, « nous allons faire passer notre société d’une logique archaïque et mortifère à une logique de vie et de respiration démocratique ». Selon lui, « il faut dire haut et fort que n’avons pas peur » et « les élus doivent prendre leurs responsabilités ; certains ont des porosités critiquables avec ces milieux, y compris chez les nationalistes ».

Source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/11/naissance-d-une-parole-antimafia-en-corse_6015058_3232.html